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07/01/2011

scrabble

 

Noël  2010 003.jpg

- Toile de Patrick Natier -

 


podcast
- I never entered your mind - Coleman Hawkins -

 

 

 

03/01/2011

2010, celle qui vient de passer...

Quelle année mes amis! Quelle année!

La télé nous inonde de ses best-of 2010, (non pas que je le regarde beaucoup mais comme j'ai fait une petite apparition fugace au JT, j'ai été amenée à y jeter un cil! Hi,hi...), c'est l'heure des bilans, l'heure des souvenirs; le temps passe si vite que pendant un instant, s'arrêter et y réfléchir, se replonger dans les délicieux moments et un peu moins les pires... Avez-vous remarqué comme on a en soi cette capacité à ne retenir que le meilleur, disons, a priori? Les malheurs se gravent en nous, les erreurs, les sorties de route, les deuils aussi mais pourtant on leur préfère les joies, les émotions fortes, les rencontres, les découvertes, l'éblouissement, la rage, l'aventure, la vie, "oui ou non"?

Quelle année étonnante! Quelle année fascinante!

Elle a filé une fois de plus à la vitesse du son, du mal à retenir et à savourer autant que je le voudrais. C'est sans doute pour cela que j'écris, pour ancrer ces moments qui comptent et ont compté. En vrac et tout à trac, comme ça me vient, pas d'ordre, pas de préférence, que des émotions denses, des images qui dansent au fond de mes prunelles, des rencontres formidables... que des événements qui m'ont changée un peu, les changements ne peuvent être brusques ou alors ils n'en sont pas vraiment, j'ai grandi, je m'affirme davantage, je me fais un peu moins peur, des fragments d'histoires, des moments de vie, des tranches d'existence.

Quelle année que celle qui vient de passer!

Trois jours à Montréal, l'embrassade à la grande bibliothèque, les dîners au Moonshine, mon coeur contre le sien, Black Angel dans mes bras, la balade exquise et vivifiante au Mont-Royal, le déjeuner chinois, les lasagnes d'Emcée, son sourire, sa généreuse présence, le cadeau de Kevin, la soirée à l'Absynthe, la fameuse et incroyable soirée à l'Absynthe! Gomeux, Doodle, Swann, Ranger, Max, Dame Venise et son Marsi, Flash Gordon, Prométhée chapeauté, ma discussion bigrement intéressante avec le Plumitif, la terrible délicatesse d'Yvan, la joie de Sandy, la musique de Frédéric, l'heureuse complicité en le recevant il y a quelques jours ici chez moi à Lille, la poutine, la bouteille de MakesmewonderHum!, son amitié sincère et précieuse, la lumière d'Octobre de la fenêtre du Bunker, les coussins Spiderman, le gâteau partagé le jour du départ avec le voisin du dessus dans sa roulotte fleurie, l'après-midi de rires, de silences et de sons de voix avec Sandra devenue une véritable amie, mon émotion palpable à l'aller, viscérale au retour, avec la conviction profonde que ça se refera, une complicité de mots matérialisée dans une réalité de vie, comme un rêve qui se réalise, puissant.

Plusieurs échanges avec elles, Laure et Laurence, mes deux L comme je les appelle, cette belle amitié qui se tisse entre elles et moi au fil des jours, des rencontres, des émois; des projets communs, nos envies de faire, d'avancer, d'exprimer et cette aventure qui bouleverse la vie d'Hélène plus encore que je ne l'aurais imaginé, tout comme les encouragements et la présence et l'amitié de Giulio, de Jalel et de Laurent backstage... Il n'y a pas de hasard, cela devait se faire, cela se fait... Cette nuit blanche avec les drôles de dames finissant dans une péniche sous le regard ému d'un bourdon faisant tomber le masque et puis toutes mes expériences radiophoniques noctanbules avec mon cher et complice Barner!

Les" Arpèges sur les ailes de mes ans", Mokhtar et sa délicatesse, Mokhtar et son amitié, Mokhtar et son talent, sa philanthropie, son indéfectible présence depuis notre rencontre, qui me fait chaud au coeur et qui me touche profond. Anne des Ocreries et Françoise Pieds sur terre que j'espère rencontrer sous peu à Paname avec notre jovial joueur de mots à vélo, Eric Mc Comber, autour d'une bonne bière, nos coeurs tout en foufelle rien qu'à cette idée; leurs chaleureuses présences et leur ouvertures, leurs soutiens dans les creux et leurs rires dans les bosses, Manouche et sa finesse, Amélie et sa complicité, tant d'autres, fidèles...l'absence de Démonio, qui me manque. La surprise que Claudio m'a faite en déboulant dans mon antre sa toile sous le bras, les compils de musique que Didier m'envoie et qui sont un régal, ce déjeuner tout chaud et si touchant avec Mik comme dans une parenthèse et puis moi au milieu de tout ça!

Quelle année! Quelle aventure! 

Au fur et à mesure, l'écriture me taraude, au fur et à mesure elle vient, m'appelle, m'aspire dans ma propre tourmente. Et, ici, grâce à vous tous, ceux qui ne font que passer, ceux qui se posent un peu et ceux qui vont plus loin, ceux qui veulent en savoir davantage, ceux qui me lisent au travers de mes mots et de mes maux, ceux que ça touche, ceux que ça énerve aussi! j'avance, je pose un mot devant l'autre et j'écoule de moi tout ce qui s'y passe et ce qui est passé... jamais je n'aurais pu imaginer avant de l'avoir vécu et avant de le vivre que cela allait à ce point compter, m'enrichir, et me donner à ce point foi dans l'humain en nous...

Quelle année mes amis! 

Et quelle autre à venir?

 

 

28/12/2010

entre Noël et l'an...

Toujours flottante cette période là je trouve, comme entre parenthèse... comme une trêve... comme on voudrait peut-être aussi que ce soit plus souvent. Les coeurs s'ouvrent davantage, et les gestes d'affections se multiplient, les sms pleuvent, les cartes s'écrivent et ils se passent plus entre les humains que d'habitude, plus d'échanges de mots de rires de larmes aussi, quelques petits réglements de compte, quelques loups qui ressortent des placards et pourtant malgré tout une volonté commune que tout se passe au mieux... Une semaine dans l'année ainsi où les familles parfois se recomposent le temps d'un dîner, où certains se voient alors qu'ils n'y pensent même pas tout le reste du temps, où les enfants devenus grands reparlent de-quand-ils-étaient-petits et font revenir à la surface des vieux souvenirs communs; histoires de frères de soeurs de cousins d'oncles et de tantes, de grands-mères de grands-pères, de parents absents ou pas toujours présents vraiment, de bons moments partagés et d'autres un peu moins drôles et on se dit les choses dans le meilleur des cas, parfois même on répare car l'ambiance s'y prête parce que la demande est là. Moi, ça me rend toujours un peu mélancolique mais tout aussi étonnament ça me donne de l'espoir, on peut toujours faire mieux, on peut toujours s'aimer davantage et se le dire encore mais avec d'autres mots d'autres manières d'autres gestes aussi...

C'est une semaine étrange, une semaine charnière, parce qu'une année s'en va et une autre s'en vient, on pense à tout ce qui s'est passé et on parle de ce qui va arriver de ce qu'on aimerait faire ou pas ou davantage, on projette tout en faisant le bilan, on se dit "plus jamais comme ça" ou "oui là c'était bien", on se demande comment on a bien pu arriver à traverser certaines épreuves, comment on a pu oublier aussi vite certaines émotions intenses, on mesure que le temps passe et toujours de plus en plus vite, qu'on vieillit, qu'on avance ou qu'on stagne, qu'on a encore en soi l'espérance et l'énergie, qu'on a encore des rêves et toujours du sang qui coule dans les veines et le coeur qui bat parfois fragile comme au ralenti et parfois si fort et parfois si fort, parfois si fort encore qu'on aimerait bien pouvoir arrêter le temps, mais le temps lui avance inexorablement, alors à nous de le mettre à notre service au mieux et avant de vous en souhaiter une bonne à venir, je vous souhaite d'abord de bien finir celle-ci!

 

25/12/2010

Coeur à Mateur

" Ecrire, c'est danser le monde!"

- Mokhtar El Amraoui -

 

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- Fresque sur mur intérieur de la mairie de Mateur -

 

 

15h30, Mokhtar El Amraoui donne un récital à Mateur, sa ville natale, je sais que ça le touche au plus profond de lui, alors nous y sommes nous aussi. Car comme le dit lui-même le poète " l'ailleurs est ici ", "appel, vocation, contact direct, la poésie se tisse dans ce rapport avec le monde, avec l'autre qui nous interpelle!". Je vous invite à l'entendre lors d'un entretien qu'il a donné à la radio tunisienne dans l'émission Intersignes parlant de sa poésie, avant-hier le 23 Décembre, il vous suffit de cliquer sur la date dans ce lien, l'enregistrement n'est pas d'une qualité extrême mais les propos tenus sont denses et touchants, Mokhtar tel que lui même.

 

" J'écris avec le râle de ma valise

Remplie d'algues et de corail.

J'écris avec l'encre de mon ombre,

Affiche de mes nuits.

J'écris avec une langue comète

Aux rides assoiffées.

J'écris les nymphes

Caressant mes pieds d'étrangers,

La spirale verte

De ma titubante amnésie."

 

- Mokhtar El Amraoui - J'écris (extrait) - Arpèges sur les ailes de mes ans -

 

 

24/12/2010

pensées amicales et festives

 

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Je vous souhaite un joyeux, chaleureux, tendre, malicieux et merveilleux Noël! Une pensée toute particulière pleine de lumière pour Laure K. qui fête aujourd'hui son anniversaire, Happy Birthday ma belle.

Kiss à vous toutes et tous. Enjoy. Je pense bien à vous.

Blue

 

23/12/2010

envolée

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" Mon coeur, oiseau du désert, a trouvé son ciel dans tes yeux.

Ils sont le berceau du matin, ils sont le royaume des étoiles.

Leur abîme engloutit mes chants.

Dans ce ciel immense et solitaire laisse-moi planer.

Laisse-moi fendre ses nuages et déployer mes ailes dans son soleil."

 

- Rabindranath Tagore -

 

20/12/2010

adhérence

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Et là,
je me sens comme une petite fille qui voudrait juste pouvoir faire un gros long câlin réconfortant à sa maman, l'entendre me dire je t'aime et comme tu es jolie, comme je suis fière de toi. Sentir son corps chaud, son odeur, sa tendresse enveloppante douce et sécurisante, pouvoir m'abandonner dans ses bras aimants, ce petit geste simple que je n'ai jamais eu, et qu'elle n'a jamais su ou pu se permettre.

Fragilisée.

 

19/12/2010

live

On est le 19, tiens! mon chiffre fétiche, dans moins de quinze minutes il sera quinze heures et dehors il neige à gros flocons, je suis en compagnie de Patricia Barber et j'ai grand peine à réchauffer l'espace, j'ai les pieds gelés du bout de chemin que j'ai du faire dans la neige mais le coeur chaud pourtant comme de la braise. Franchement rien ne devrait là me réjouir, je suis à mon poste comme il se doit les Dimanche de fêtes et je sais pourtant que c'est peine perdue pour mon petit commerce, alors j'essaie de ne pas perdre cette flamme qui m'anime et qui me viens de je ne sais où n'ayant rien fait au fond pour qu'elle s'avive. Ce matin déjà, j'étais prise d'une énergie vivace, levée tôt ce qui est plutôt rare, très tôt même ce qui l'est davantage, j'étais déjà dans cet état fournaise, cette sorte d'incandescence, un peu de même nature quand on est amoureux et qu'on sait qu'on est en foufelle à l'idée de pouvoir voir en tête à tête, en corps à corps l'objet de ses désirs! Je le suis peut-être...

J'aime pourtant vraiment pas cette période des fêtes, je ne l'ai jamais franchement aimée et là, comme une parenthése dans ce que j'ai l'habitude de traverser à cette période, pas trop d'angoisses, pas trop de tourments, mais une sorte d'envie de vivre de la manière la plus chouette ces intenses moments. Hier mon homme et mes fils ont fait un sapin dingue, immense  lumineux décoré en diable scintillant clignotant et tout multicolore, quans je suis rentrée tard dans la soirée, j'étais comme l'enfant que j'aurais voulu être, émerveillée, c'est bête quand même que ça m'ait pris tout ce temps. Dans l'après-midi j'ai parlé avec M. un joli sourire, frisée, trentenaire et touchante, nous avons échangé, nous nous sommes approchées, c'était une belle rencontre et je n'ai fait qu'une bouchée des orangettes qu'elle m'a offertes du bout de ses doigts fins, et là je pense à elle très fort comme pour être présente, et puis j'ai revu des vieilles connaissances pas vues depuis plus de dix ans, de ces gens qui vous ramènent d'un coup en arrière et qui vous aident à mesurer le chemin parcouru. Et puis, et puis, toujours cette écriture qui me brûle les doigts et qui pousse et qui pousse, qui demande à s'inscrire, cette voix à l'intérieur qui veut se faire entendre.

J'ai aimé l'entendre au téléphone, sa voix encore un peu endormie, la mienne si vive en réponse. J'ai aimé l'entendre pourtant elle si loin et que je sens si près, j'aime ces conversations en dehors du temps juste pour se dire sans se le dire vraiment qu'on s'aime et qu'on pense l'une à l'autre, c'est précieux, c'est touchant, ça gonfle mon coeur déjà chaud, d'un coup j'aime la terre entière, c'est normal docteur? Je devrais être inquiète, rongée par le désespoir des jours à venir, de la fin du mois à boucler des factures à payer, des cadeaux que je ne pourrais faire faute d'avoir les moyens nécessaires, je devrais me maudire de ne pas avoir su faire ce qu'il fallait, de ne pas avoir été à la hauteur, d'avoir merdé, c'est vrai parfois j'ai honte et pourtant là, là présentement, je suis heureuse, la neige tombe de plus en plus j'y vois presque plus goutte au travers de la vitre de la boutique qui m'abrite.

Un texto tendre, un mail réjouissant, un geste prévenant, là tiens voilà Abbey Lincoln qui résonne dans mes oreilles, quoiqu'il se passe tout prend une couleur tendre et énergisante, je me sens comme dans un état de grâce, oh, que je me méfie, je sais que ça peut être annonciateur d'un retour violent, mais tant pis je cours le risque et j'en profite à fond, j'aime aussi goûter à cette joie intense d'être en haut de la crête et pas toujours en bas à l'attendre, la vie est une danse...Et je pense à nous tous, à notre passage ici, à tout ce qu'on peut faire ou non de notre vie, à ce qui nous rattrape, à ce qui nous nuit, ce qui nous fait du mal et ce qui nous réjouit, et me vient comme un flot, comme un flot de tendresse, une caresse géante, une envie de partage, un sentiment profond de grande humanité.

Je n'ai ni fumé, ni bu, ni pris de psychotropes, je ne viens pas non plus de faire l'amour, c'est dommage, non, c'est un état étonnant, une sorte d'extase devant le vivant, devant tant de beauté, devant ce qu'on peut faire de bon, de profitable, de magique, de merveilleux et c'est vrai je vois le verre à moitié plein même si je sais qu'il reste tant à faire! Chacun en mettant sa petite pierre on peut construire grand, on peut faire bouger ce qui parait immuable, on peut s'ouvrir, se permettre, s'agrandir...Bonjour le réveil de mon rêve en live! Tout est ouaté dehors, ça devrait faire moins mal!

Love.

Blue

 

jeu de jambes

"Helenablue vue par Claudio" vue par Laurence ou le tableau enjambé de Claudio.


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- Photo Laurence G. -

 

 

 

18/12/2010

"Les corpuscules de Krause" de Sandra Gordon

Etonnant de lire le livre d'une auteure devenue une amie au fil d'échange de blog à blog, de mails à mails et finalement de chair quand elle m'a remis son ouvrage en mains propres manifestement aussi émue que moi un soir au Moonshine, le soir de la veille de cette si étonnante soirée où toute la tribu mistralienne et d'autres s'étaient réunis pour le lancement des fameux "Corpuscules de Krause". Je me souviens avoir lu la dédicace avec une larme à l'oeil et puis la préface tôt dans la matinée du lendemain dans le fauteuil trop mou moelleux dans lequel on s'enfonce qui trône face au bureau de Christian Mistral au Bunker, il y avait une lumière dehors particulièrement magnifique et il était prévu une grande ballade en fin de matinée vers le Mont Royal. J'ai souri à la lire, j'ai tout de suite reconnu le style et l'écriture franche, truculente et directe que je lui avais toujours connue et dont j'apprécie la nature. Je n'ai jamais vu autant d'écureuils de ma vie après cette lecture, c'est ça aussi la force de la littérature, elle ouvre le regard et aiguise les sens. Et même si ça n'est pas peut-être dans l'ordre des choses qu'on lise en public la préface d'un roman qui vient juste de sortir, j'ai eu déjà là-bas vraiment envie de le faire, bon, je demande indulgence parce qu'il faut quand même dire que le québécois pour des néophytes comme moi n'est pas franchement facile à appréhender avec l'accent et qu'il m'aurait sans doute fallu quelques cours de sacres pour rendre avec justesse le ton dans le cru de la langue. La musique de Michel Plamondon, notre ami le Plumitif donne un ton d'ailleurs à cette lecture un peu plus angoissant peut-être que ce que Sandra voulait rendre, elle se sert plutôt de l'humour décapant voire noir et de causticité rude matinée de tendresse pour faire dire à ses personnages et notamment à sa Lucie ce qu'elle veut nous transmettre, mais moi à la lecture du livre en entier faite finalement depuis peu, j'avais volontairement voulu attendre pour pouvoir avoir un recul affectif mais ça ne marche pas si bien, j'ai eu vraiment tout au long du bouquin l'impression bien nette d'être avec Sandra Gordon en personne près de moi, j'ai trouvé qu'il y avait en filigrane cette dimension terrible et ce ton tendu, en voici la mouture, mixée par mon cher Barner.

 

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podcast
 

- Prologue des Corpuscules de Krause de Sandra Gordon- Musique Michel Plamondon - Mixage Barner- Voix Blue -

 

 

 

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Au cours de ses quarante sept chapitres, Sandra Gordon nous maintient en alerte, on sent toute la quête de réponses des uns et des autres, chacun à leur manière et tous confrontés à leurs solitudes respectives et à leurs angoisses. Une galerie de personnages qui s'entrecroisent, s'entremêlent, s'entraident aussi au coeur de nulle part qui pourrait être n'importe où. Le langage est cru, parfois cruel même et pourtant en même temps une grande humanité se dégage du livre, une intensité particulière qui nous ramène au sens même de la vie. L'usage du joual accentue pour moi cette truculence et ce côté direct, pas toujours facile quand on ne le maîtrise pas, je devais parfois m'y reprendre à plusieurs fois et ça finissait souvent à voix haute, pour que je saisisse le sens et la puissance de frappe des mots dits de cette façon là ce qui donne un relief et une couleur bien personnelle qui renforce cette impression d'écriture parlée. L'écriture de Sandra Gordon ne fait pas dans la dentelle, elle est direct du gauche, certaines scénes même font vraiment froid dans le dos, d'autres sont tellement caustiques qu'on en sourit même face à l'adversité, sacrée leçon de vie et d'endurance, quelques phrases courtes lucides aussi qui en disent long: "Ça prend trop de place, du monde absent.", "On est toujours seul avec ce qui se passe à l'intérieur de notre corps." Et puis il y a du suspense, cet écrivain qui erre, des secrets bien gardés, des morts dans les tiroirs, des désirs d'exister, des besoins de comprendre, d'aimer et de l'être, de se maintenir à la vie. J'ai particulièrement aimé les monologues intérieurs de Lucie avec elle-même et cette manière de prendre sa vie et son destin en mains, d'avancer sans se faire de cadeau pas plus d'ailleurs qu'elle n'en a reçu elle-même, un peu comme un parcours initiatique finalement. C'est vrai, on aimerait en savoir davantage, on reste un peu sur sa faim, mais c'est tant mieux je trouve, on a hâte au prochain! 

 

*Lire là les différentes réactions à ce premier roman.

 

 

12/12/2010

ses mots

 

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- Annonciation - Igor Mitoraj -

 

 

 

Ses mots m'emportent, me crispent, m'enivrent, me désespèrent, ses mots m'envoûtent... Ils me transportent, ils m'encouragent, parfois me jettent à terre, me renvoient trop le miroir de moi-même et c'est pas forcément toujours pour moi facile, mais ses mots m'enveloppent, me protègent, me rassurent me rendent plus lucide, me rendent à moi-même aussi... j'aime ses mots. Parce qu'au coeur de ma nuit ils sont une lumière, parce qu'au coeur de mon noir ils deviennent ma couleur, parce qu'au coeur des arabesques tordues qui sont miennes parfois ils deviennent miroir de ma joie de mon trouble et de tout mon amour. Ses mots sont source, ses mots sont fenêtres, ses mots sont souffle parfois ils sont tornades, parfois brises légères, mais jamais ils ne sont pour moi insipides et fades. Ses mots sont ma raison de vivre, ses mots sont les miens. On ne mesure pas toujours à quel point les mots de l'autre peuvent à ce point résonner en nous, on ne mesure pas l'importance de l'implication de celui qui écrit pas plus que celle de celui qui le lit, les mots qui viennent de ses tripes me touchent bien au delà, sans doute est-ce cela qu'on nomme poésie, sans doute est-ce là toute la puissance de l'écriture qui touche, et sans aucun doute, aucun, si un jour je me le permets c'est par mes mots que je souhaite venir m'inviter à la table de votre coeur, tout comme ses mots m'ont invitée à son banquet où je me retrouve livrée et enivrée, sereine et remuée, vivante...

 

 

 

11/12/2010

saute d'humeur

Oh! Ce matin j'étais d'une humeur à couper au couteau, stressée par une nuit agitée et puis une addition de petites contrariétés au saut du lit dès six heures du mat, j'étais à prendre avec multiples pincettes, ce qui bien sûr dans ce genre d'état même ne suffisent pas! Alors j'ai envoyé bouler le bébé et l'eau du bain, tous ceux qui ont le soi-disant bonheur de vivre en ma douce et séduisante compagnie en ont pris chacun pour leur grade! Dans un état vraiment au bord de la crise j'ai commis un véritable pugilat, car au lieu de me taire comme il serait intelligent de le faire dans ces cas-là et d'attendre que l'orage interne se calme, les mots ont fusés -il fallait que ça sorte- et j'ai envoyé du lourd, du bête et du méchant!

Bonjour les dégâts!

 Et après, comme chaque rares fois où ça m'arrive -on est pas fait non plus que de douceurs- je suis mal, vaiment mal d'avoir pas su contenir, de m'être laisser entraînée par des broutilles qui quoiqu'on fasse et quoiqu'on s'en fasse finissent finalement toujours par se résorber, mal d'avoir fait mal inutilement juste pour passer mes nerfs, d'avoir réagi plutôt que d'avoir agi! Et franchement ça me rend vraiment triste, saleté de chierie de chienne d'humeur à la noix, crisse de calvaire d'hostie de saletés d'interférences puériles et inutiles. Quelle sale engeance! Là je me suis calmée et je suis apaisée mais je n'arrive pas à sortir de ma bouche ce goût d'amer qui me brûle les lèvres parce que j'aime vraiment pas ça la méchanceté gratuite, la colère sans fondement et surtout pas produite au bon endroit et là, je suis pas bien fière de moi!

 

 

24/11/2010

hier

La journée s’annonçait sous de tendres auspices, j'étais plutôt sur la position cœur, les cellules du cerveau en action sur la droite et puis ce réveil mi-figue, mi-raisin pourtant énergisant assez tardif, je m’étais permise une grasse, ça m’arrive rarement surtout en tout début de semaine où je suis plutôt normalement le pied à l’étrier, une fois n’est pas coutume!

Je savais que la journée serait pleine et vraiment différente, c’était de surcroît l’anniversaire de mon beau-papa, et nous avions prévu de lui faire une visite pour cette occasion, mon homme et moi. Il n’est plus tout jeune, et perd la vue, de plus en plus, et ça l’angoisse drôlement, sa maman étant elle décédée complètement non-voyante, il m’a dit d’ailleurs en fin de soirée : « Tu sais c’est dur, de ne plus voir clair quand on a eu comme moi jeune la vue d’un aigle! » ; mais et c’est plus touchant encore ce qui lui fait vraiment profond de la peine c’est de voir sa femme celle qu’il aime depuis plus de cinquante ans perdre doucement la tête, elle est atteinte de leucoaraiose ou plus vulgairement de démence sénile, le cerveau en gruyère, qui fait qu’elle perd doucement la mémoire, qu’elle se désocialise, qu’elle puise dans son enfance de plus en plus ses souvenirs, qu’elle perd de sa superbe de son autonomie.

Mais avant cette soirée la journée ne fut pas en reste d’émotions en tout genre. J’étais en état d’hyper réceptivité dont acte. J’ai reçu quelques coups de téléphone plus ou moins agréables, laissons les moins de côté, j’avais l’humeur « partie pleine du verre », j’ai envoyé un sms tendre à un bon ami cher, échangé quelques mails sulfureux et coquins avec une vieille amie, parlé un bon bout avec ma chère Laure de projets, de construire, d’élaborations, toujours des échanges riches et stimulants en diable, j’ai tenté d’avoir Laurence au bout du fil sans grand succès, j’ai aimé entendre une voix venue de loin en fin d’après-midi, j’ai eu une discussion étonnamment intime avec ma collaboratrice justement sur ce thème de la vieillesse, de cette prise de conscience qu’on est de passage : elle est jeune maman et sa grand-mère qui compte beaucoup pour elle lutte avec les signes inéluctables de l’âge, ce qui ramène chacun à sa propre destinée et aussi à se positionner dans l’échelle familiale, comment vais-je vieillir face à mes enfants, on mesure aussi qu’on n'est pas immortel, « Que va devenir ma fille si je meurs demain? ». Je n’étais pas surprise, j’avais dès le matin senti que ce serait une journée assez dense avec de quoi réfléchir et réflexionner. Un peu avant qu’on ait cette discussion sincère, une de mes vieilles connaissances m’annonçait droit dans les yeux ne plus en avoir pour très longtemps, on venait de lui déceler un cancer pas terrible celui du pancréas, je lui dis : « Ne dites pas de bêtises ! Vous êtes une dure à cuire… », ce à quoi elle répond «  Vous avez bien raison Hélène, j’ai toujours eu une santé de fer mais là, vache, c’est costaud, ils me font un traitement de cheval, regardez mes cheveux, je les perds par poignée ! Remarque le positif, c’est que je perds du poids ! Gardons le sens de l’humour, n’est-ce-pas? » Et bien, la journée pour le coup prenait une drôle de tournure, mais bon, j’avais en moi de quoi la conforter, elle est repartie plus légère et plus souriante, plus gaie!

Il ne me restait plus qu’à prendre la route pour Paris pour la petite fête concoctée avec ma belle-sœur pour l’anniversaire de son père. J’avais émis l’idée d’amener un couscous, c’est le plat préféré de grand-papa, c’est ainsi que je l’appelle, toute la famille d'ailleurs, c’est normal, il a vécu une grande partie de son enfance en Algérie, pour lui c’est le plat familial et convivial par excellence et celui que mon vieil ami Momo sert dans son restaurant tout près de là où j’habitais plus jeune est un des meilleurs que j’aie jamais mangé, c’est sa vieille maman qui toujours le cuisine et qui me fascine par son endurance, toujours fidèle au poste, ne se plaignant jamais, son beau visage creusé par les épreuves du temps et par toutes les joies que lui donnent ses enfants. Nous étions allés là-bas au pays, dans leur village du Maroc pour fêter les dix-huit ans de sa petite fille, j’en garde un souvenir ému et tenace, étonnant. Je savais que nous ne pouvions plus lui faire plaisir, de plus Claude, ma belle-sœur, avait de son côté préparé avec soin une salade d’oranges, avec des « elle et lui », c’est pas encore la saison me disait-elle des « toi et moi », j’ignorais pour ma part que les oranges pouvaient avoir des noms si poétiques et gagner en saveur en se rapprochant l’une de l’autre, ça m’a fait bien sourire, et puis elle avait aussi amené dans ses bagages, sa magnifique et merveilleuse mousse au chocolat, dessert préféré dudit grand-papa mais aussi de grand-maman, surtout !

Une belle soirée chaleureuse, chacun y mettant du sien pour qu’elle se passe fluide, on glanait des souvenirs on a parlé d’avant, des choses plus ou moins gaies, des épreuves traversées. Grand-maman nous relatant une fois encore cette fois où des allemands avaient fait feu sur elle avec leurs mitraillettes juste pour lui faire peur et qu’elle n’avait jamais de sa vie pédalé aussi vite sa jupe volant au vent, elle se répétait d’ailleurs:« Ils voulaient juste me faire peur, avec ma jupette, ça ils ont réussi, mais ils ne tuaient pas les enfants de mon âge… ». C’est là que j’ai pris conscience que je n’avais pas connu de guerre, du moins pas de cette nature, et c’est là que je me suis dit aussi que ça ne pouvait en aucun cas rester indolore pour ceux qui la portent dans leurs fibres et dans leur mémoire. On a évoqué aussi d’autres souvenirs douloureux, la perte d’un de leur fils, et puis cette mort qui traîne à arriver et ce corps qui doucement s’use et se perd en route, c’était serein, poignant et bien arrosé, on s’est sifflé à quatre trois bouteilles de bordeaux aux noms plus jolis les uns que les autres, grand-papa étant descendu à l’aveugle dans sa cave et avait tiré une bonne pioche! A quatre parce belle-maman carbure elle au coca, un reliquat de son adolescence à New-York, il y a de ça un bail!

C'est comme ça que je me suis retrouvée en léger état d'ivresse à 2h21 à écrire quelques phrases avant le dodo bien mérité, des idées plein la tête et que je me suis levée ce matin le coeur gonflé, les poils hérissés, la tignasse en bataille et matière à penser...

 

 

 

21/11/2010

interactivité

 

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- Photographie Roger Thiery -

 

 

" On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir. Chacun a besoin de l'autre pour se révéler."

- Manu Dibango -

 

 

18/11/2010

J'ai tant contemplé

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- Musée d'art contemporain, Montréal -

 

 

J’ai tant contemplé la beauté
Que mes yeux en sont tout emplis.

Lignes du corps. Lèvres vermeilles. Membres voluptueux.
Chevelures dérobées à des statues grecques,
Toujours belles, même en désordre
Et retombant, un peu, sur des fronts blancs.
Visages de l’amour, tels que les désirait
Ma poésie…Secrètement rencontrés
Durant les nuits de ma jeunesse, durant mes nuits.

 

- Constantin Cavafis - Jours anciens -

 


17/11/2010

piqûre de rappel

Pour le bourdon masqué, et pour nous tous et toutes.

 

16/11/2010

Mokhtar El Amraoui: "Arpèges sur les ailes de mes ans", par Giulio-Enrico Pisani

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221 poèmes d'amour et ... une chanson désespérée?

Fallait-il vraiment que je paraphrase ici le grand Pablo Neruda en présentant Mokhtar El Amraoui ? Et pourquoi pas ? Compte tenu de leurs espaces culturels très différents, leur parenté est indéniable et leurs styles parfois assez proches. Coïncidence, ou influence du vieux poète chilien sur le jeune barde tunisien ? ¿Quién sabe ? Quoiqu’il en soit, chez El Amraoui comme chez Neruda, l’amour est partout, l’espoir fréquent, la colère aussi, le découragement sporadique et, à bien chercher, on leur trouve à tous deux au moins une « canción desesperada ».

Professeur de français à Bizerte, Mokhtar El Amraoui est né en 1955 à Mateur d’un père algérien et d’une mère tunisienne, qui, chacun à sa façon, ont contribué à son épanouissement poétique. (1) La source jaillit vers 1970 ; fille d’Erato, rivière aux flots passionnés, elle s’élança à la fois joyeuse et grondante, ici torrent sans frein, là vortex sans fond. Toute chutes, gerbes d’écume, espoir et clameurs, elle se fraya un passage entre les falaises et à travers les gouffres où Mnémosyne l’attendait pour l’enrichir de l’esprit de ses autres filles : Calliope, Melpomène et Thalie. (2) Adulée, caressée, tourmentée, parfois maltraitée par son chantre durant dix années de maturation, d’engagement et de colère, Erato, la muse des poètes, l’accompagna dès lors, à la fois stimulante et indulgente, au cours de ce qui allait devenir son premier recueil : « Élans d’espoir (1070-1980) ».

Son troisième poème, intitulé, justement, « Espoir », qui en représente le principe, sinon la quintessence, annonce clairement la couleur par « Je me tais, / Vous m’avez bâillonné / Mais l’enfant qui a faim / N’a pas cessé de pleurer... », passe par « L’homme qui combat » et culmine dans « Des chants d’espoir, / Des chansons de victoire. ». À 11.430 Km de là, « Victor Jara », lui, s’est élevé plein ciel sur les ailes de Mokhtar avec les « Oiseaux libres, / Oiseaux fiers du Chili... » auxquels Mokhtar crie : « Volez plus haut que le deuil, / plus loin que les larmes et les tristesses / Car son sang répandu, / Car ses chansons / Sont un bouquet d’espoir, sont un appel au combat ! »

Mais à la montagne avec ses Roncevaux rêvés finissent par succéder plaines et collines, aux cascades les marais, aux lacs sans fond les étangs glauques, aux jeunes roches cristallines les sables mouvants, aux épaisses forêts de trop rares oasis. Le blanc n’est plus tout à fait blanc, ni le noir toujours noir et les falaises usées devenues plages de sable bordant les méandres nonchalants invitent davantage à la réflexion qu’au combat, plutôt à l’amour qu’à la vindicte, à la raison qu’aux impulsions. Le rythme se ralentit, la poésie s’apaise. Mais elle grandit, s’étend sur trois décades et forme un second recueil qui s’intitule « Rayons de lune pour funambule absent (1981-2010) » C’est surtout dans cette deuxième partie, à la fois moins dense et plus apaisée, que la poésie de Mokhtar El Amraoui s’épanouit pour ainsi dire poétiquement. Moins engagée, plus contemplative et jouissive, mais non dépourvue de lucidité et de sens critique, elle cède part de sa fièvre à ce que d’aucuns appellent sagesse et d’autres maturité. Résignation ? Non, sans doute pas, mais découvrant ses limites, le poète tend peut-être vers quelque forme de fatalisme. La lune du funambule absent éclaire désormais surtout l’amour. Erato y triomphe partout, même quand l’amour devient l’Amour ou, le plus souvent, emprunte des sinuosités sous-jacentes. Libérée de combats qu’elle ne peut gagner, la poésie de Mokhtar se livre davantage à son propre épanouissement, à sa poétique, à ses libertés surréalistes et au chant sempervirent de la vie, tout en se permettant quelques mordances et une continuelle partance.

« Je vole, en frémissant, » clame-t-il, page 210, « Les dernières gerbes du soleil. // Derrière la vitre trempée, / Ta main tremble, / En tenant le même verre vide. » Et, douze pages plus loin, « Sans valises, / Sans mémoire, / Il décide de la portée de son clavier / Et ouvre, seul, / Les veines de la ville / Et ses cieux. ». Et plus haut, plus loin encore, au-delà des mille et une nuits, Mokhtar se réjouit que « La rose, jaillie des sables à dos de parfums, / Egaye, sorcière, du sein de la belle captive, la pointe. Son amour au long cours a scellé le destin / De l’amant aux aguets / qui se verse l’incendiaire vin. » Vers somptueux à l’érotisme délicat, que n’eussent renié ni Khayam ni Ronsard !

Certes, aucun poète n’est toujours égal à lui-même et sur 222 poèmes de Hölderlin, Rilke, Apollinaire ou Darwich, il est difficile de trouver 222 chef-d’oeuvres. Peut-être qu’ici, pour les puristes, une sélection plus sévère se fût imposée et une centaine de ses sommets poétiques eussent suffi à assurer le renom de « notre » poète sans risquer de lasser le lecteur. Cependant, le lecteur, eh bien, parlons-en du lecteur, boulimique, curieux, enthousiaste et aventureux, poète lui-même pas sa lecture interactive, autant que l’auteur l’est par l’écriture, ce lecteur donc, refusera ce régime minceur. Et il a bien raison. Car les huit lustres qu’embrasse sa rhapsodie « Arpèges sur les ailes de mes ans » (3), où Mokhtar sous-entend à tout bout de champ (ou chant) ces vers de Neruda : « Je ne suis rien venu résoudre. / Je suis venu ici chanter. / Je suis venu / Afin que tu chantes avec moi. », ces quarante années donc, forment un tout.

Sans être nécessairement un chant général, « Arpèges sur les ailes de mes ans » est la musique d’une vie, et ses deux recueils forment un binôme magnifique : deux orogenèses somptueuses avec leurs sommets, cols, vallées, crêtes, torrents, chutes, forêts, rochers, dryades, naïades, nymphes, tempêtes et étoiles calcinées. Mais ce couple de chaînes enchaînées sans véritable discontinuité au seuil de la 9ème décade du 20ème siècle n’en font en réalité qu’une seule autour d’une fracture/soudure unique aux reflets protéiformes. Et ceux-ci de provoquer de nouvelles diffractions communes à quasiment tous les cheminements poétiques : jeunesse–maturité, protestation–critique, espoir–lassitude, impulsivité–sagesse, amour–mort, sérénité–passion et j’en passe et des meilleurs.

L’une des principales caractéristiques de la poésie de Mokhtar, est que l’interaction auteur–lecteur peut s’y développer et s’y épanouir librement. Ainsi que je l’esquissai plus haut et le formulai dans d’autres articles, l’authentique poésie est telle autant par son écriture que par sa lecture, qui peut même diverger de l’intention de l’auteur. En effet, le vrai poète est celui qui n’impose pas ses choix, n’écrit pas du tout cuit, ne fournit pas du prémâché. Il permet à son lecteur d’appréhender le texte à sa manière, à s’y retrouver, au moins en partie, lui-même, ce dernier pouvant même y introduire des éléments créatifs nouveaux, insoupçonnés : en fait ses propres sentiments et visions. La poésie est un dialogue entre poètes.

Qu’on me permette à présent de conclure en vous recommandant chaleureusement la lecture de ce double recueil d’une grande richesse linguistique – les créations de mots, phrases et tournures y pullulent – et d’une harmonie poétique presque toujours réussie. Mais, de grâce, amis lecteurs, n’essayez pas de le dévorer en quelques heures. Vous passeriez à côté des subtilités qui distinguent les grands crus. Et si de courts poèmes, comme croqués en quelques trait de sanguine, peuvent y être saisis d’un coup d’oeil, d’autres, plus complexes, permettent parfois – n’allons pas jusqu’à dire : exigent – plusieurs combinaisons, recombinaisons et lectures. Ailleurs se forment des micro–romans surréalistes. D’autres pages encore vous nouent la gorge, ne vous bouleversent pas nécessairement, non, mais vous émeuvent à coup sûr. N’hésitez donc pas à ouvrir cette fenêtre sur notre ailleurs profond qu’est « Arpèges sur les ailes de mes ans ». Et, ne craignez rien : non ĕ vietato sporgersi !

***

1) Mokhtar El Amraoui évoque aussi son défunt oncle maternel Belhassen Ben Chaabane, barde et poète, dont la générosité poétique se perdit trop souvent en oralité et en feuillets servant plus tard au fruitier ou à l’épicier. Nombre de ses poèmes ont toutefois échappé à ce dévoiement alimentaire grâce aux journaux de l’époque, à un livre de Mohamed Boudhina et au travail de Habib Ben F’dhila (Belhassen Ben Chaabane : Recueil de poèmes écrits entre 1930 et 1960 - Présentation et établissement de texte par Habib Ben F’dhila, 208 p. – 2001), info. CNCC@ Email.ati.tn

2) Les neuf muses sont, selon la mythologie grecque, les filles de Zeus et de Mnémosyne, déesse de la mémoire. Parmi elles Érato préside à la poésie lyrique, Calliope à l’éloquence, Melpomène à la tragédie, Thalie à la poésie bucolique.

3) Mokhtar El Amraoui : « Arpèges sur les ailes de mes ans » 288 pages, ISBN 978-9973-05-892-8, peut être commandé à Monsieur Noureddine Limam, Librairie Science et Culture, 24 avenue Taïeb Mehiri, Bizerte, 7000 Tunisie. Fax : +216.72431372.

- Giulio-Enrico Pisani  -

 

15/11/2010

échange

 

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 - Photo Man Ray -

 

 

Aujourd'hui, c'est étrange, j'ai parlé à ma soeur, cela faisait tellement longtemps qu'on n'avait pas échangé nos voix et nos coeurs. Elle vient de mettre au monde son troisième enfant alors que moi je suis presque à deux doigts de devenir grand-mère, elle quarante, moi quarante cinq printemps, notre problématique, disons notre équation n'est plus vraiment la même, pourtant c'est ma soeur, petite par la généalogie mais grande aussi du coeur. On se parle, elle me parle, et surtout elle me parle, elle n'a de cesse de me parler, elle parle et parle encore... c'est qu'elle a cru que ça allait changer, que d'avoir enfanté permettrait l'union et puis l'illusion que tout pouvait encore recommencer. Quoi!  C'est si normal et si naturel que je ne pouvais même pas la contrarier en lui disant que c'était peine perdue. Elle voudrait tant pouvoir avoir une mère qu'il l'aime et la respecte et la comprenne, par Dieu! on en est tous là. Certains l'ont perdu jeune, certains ne l'ont même pas connu, d'autres font avec et aimeraient que ce soit différent et puis il y a nous, ceux qui doivent par la force des choses s'en protéger, c'est pas le plus facile, au contraire, loin de là. Faire son deuil de sa maman de son vivant, c'est la pire chose qu'il soit, en fin je m'aventure, là je ne parle que pour moi, dans le fond pour être tout à fait honnête, j'ai une mère répertoriée comme telle et toujours en vie, sauf que dans la réalité, elle est plus morte que vive, et surtout elle a depuis un bail décroché, pas si facile à vivre, pas pire non plus, juste c'est ainsi.

Mais bon, faut comprendre. Baigner dans la folie depuis sa tendre enfance et une fois rendues à l'âge où on peut se rendre compte vraiment que c'est çà qu'on a vécu et qu'on est les seules à pouvoir le voir, à pouvoir le comprendre, à pouvoir l'accepter, rien de bien simple, de bien limpide, et de bien acceptable!

Pourtant c'est nécessaire, et c'est le seul moyen d'être mère à son tour, du mieux qu'on puisse l'être...

Toujours séparer le bon grain de l'ivraie! Tant de choses nous échappent, et tant de choses aussi sont à notre portée. Ne jamais oublier ce qu'on a fait de nous, et ce qu'on veut en faire...

 

du non visible

 

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"Toute chose visible est en rapport avec une force invisible qui a pouvoir sur elle et à laquelle il faut s'adresser si on veut l'utiliser."

- Amadou Hampâté Bâ -

 

* masque dogon kanaga

 

12/11/2010

sur le fil de la vague

 

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- Toile de Patrick Natier -

 

 

" C'est pas la mer qui fait les vagues, c'est le vent."

- Grégoire Lacroix -